Crise financière et crise de management

Les points communs

Le nouvel Economiste - n°1506 - Cahier n°2 - Hebdomadaire

 

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Anne Dousset

 

"Le rapprochement semble évident, pourtant il n’a guère été souligné: la crise financière a bien des points communs avec la crise du management", constate Anne Dousset, ancienne DRH et auteur d’un ouvrage remarqué sur le Management à contresens, responsable du désengagement rampant des salariés, source de contre-productivité.

L’aspect le plus frappant est, sans contredit, une montée en puissance de la dématérialisation qui, dans la finance, prend la forme d’une titrisation excessive et dans le management d’une multiplication des process qui, en bout de ligne, paralyse l’initiative et génère un repli sur soi. Une logique poussée à l’extrême qui voit désormais des collègues travaillant dans le même open-space finir par correspondre entre eux uniquement par mails pour surtout ne pas se déranger, constate un brin effarée celle qui dirige désormais le cabinet de conseil en management et organisation ADP&O. Les deux sphères sont également transformées par une mondialisation galopante. “Sur le plan financier, les marchés sont désormais interconnectés. Le moindre événement est susceptible de rejaillir aux quatre coins de la planète. Quant au management, "il est frappant de constater que les cadres aujourd’hui, dans les grands groupes internationaux, ont des responsables disséminés à travers le monde”, analyse Anne Dousset. D’ailleurs, elle observe que ces cadres ont de moins en moins de collaborateurs et de plus en plus de patrons.

Une montée en puissance de la dématérialisation qui prend la forme dans le management d’une multiplication des process qui en bout de ligne paralyse l’initiative et génère un repli sur soi

Troisième point de convergence: un court-termisme de plus en plus insoutenable qui arrive au bout de sa logique. “En finance, le crédit revolving pour la consommation et les subprimes pour l’immobilier sont responsables de la déconfiture des marchés. C’est une spirale infernale avec de l’argent artificiellement disponible à tout moment pour s’offrir des biens. Ce mouvement a son pendant dans le management avec une pression accrue pour faire du forcast permanent et du reporting à très court terme. Dans les groupes anglo-saxons, les cadres passent leur temps à expliquer ce qu’ils ont l’intention de faire d’une part, et pourquoi ils ne l’ont pas fait d’autre part, et ce au lieu de produire. Heureusement que les stagiaires travaillent”, lâche un brin ironique Anne Dousset. Le résultat pour la finance et le management est sans appel : “Une crise de confiance majeure pour ces deux sphères où les acteurs n’ont plus vraiment de prise sur le travail qu’ils font. Il n’y a plus de lien direct entre l’activité et le résultat”, assène Anne Dousset.

Concrètement, finance et management sont en faillite avec comme conséquences dramatiques pour la première, la chute de Lehman Brothers et consorts, et pour le second, les suicides dans les entreprises. Mais dans les deux cas, ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. La crise financière a aussi entraîné une crise économique qui partout en Occident pousse le chômage à la hausse. Quant au management d’aujourd’hui, il en résulte chez les salariés une perte d’engagement et de compétences, notamment chez les jeunes diplômés en poste. “Il y a une crise très profonde. Par exemple, les valeurs dans l’entreprise, on en parlait il y a dix ans. Désormais les jeunes n’y croient plus. C’est suspect à leurs yeux”, signale Anne Dousset. Pas de doute, le management comme la finance sont à la croisée des chemins. “Le système est à bout. La question fondamentale est donc: comment recréer un équilibre ? Je ne vois qu’une réponse: celle de l’énergie et de la force que le “micro-management à moyen terme” opposera au poids de la “macro-finance à court terme”. C’est l’affaire des managers et surtout des dirigeants”, estime Anne Dousset qui propose trois ingrédients susceptibles dans le management de redonner espoir : la fierté de contribuer à un projet qui “fait du sens”, l’estime de soi par l’appartenance à un collectif et une relation hiérarchique saine et confiante.

M.B.


 

< Article du Nouvel Économiste

   

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